Le Cercle des Solidaires

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La reine qui voulait tuer tous les Vieux ( forme narrative )

Notre documentaliste a eu la gentillesse de convertir le conte :

 

 

La reine qui voulait tuer tous les Vieux

ou

Personne ne peut voir le sommet de son crâne

 

Je m'appelle Kodda et je vais vous raconter mon histoire mais avant toute chose, laissez-moi vous dire "Aw ni sogo ma" ce qui signifie "Bonjour !" en malien.

Il y a quelques années de cela, le vieux roi de notre village mourut. Sa fille, la princesse Yovo lui succéda. Hélas, jeune et inexpérimentée, elle fut tant grisée par le pouvoir dont elle venait d'hériter qu'elle voulut l'exercer sans limite et surtout sans avoir à subir les éternelles remontrances des Vieux. Elle ne voulait qu'une chose : pouvoir commander librement les jeunes de son village et leur faire subir toutes ses fantaisies sans être gênée par personne !

 

Lorsque nous étions jeunes, nous aimions par dessus tout jouer derrière les cases. C'était notre royaume, à l'abri du regard des anciens, à l'abri des jérémiades des petits, à l'abri des appels au travail de nos parents.

Je me rappelle encore de mes meilleurs amis. Il y avait Manna, la rêveuse. Hammadi toujours un peu triste et pessimiste et enfin, Moumba l’optimiste celui qui nous remontait toujours le moral !

 

Un jour, alors que, comme à l'habitude nous étions réunis pour jouer et discuter, nous entendîmes les tambours. C'était le signal de l'arrivée de la Reine. Nous étions surpris de cette visite car, ordinairement, elle restait dans son palais. Comme nous nous étions regroupés, elle s'adressa à nous en ces termes :

 

"Je veux que mon pays soit comme la nature aux premières pluies de l'hivernage, qu'il n'y ait partout que de l'herbe verte et pas un seul brin d'herbe desséché ou jauni par le temps. Désormais, je ne veux voir que des visages jeunes ! Rassemblez tous vos pères et toutes vos mères, et enfermez- les dans la prison jusqu'à la fin de leurs misérables vies ! "

 

Vous imaginez bien que ces paroles nous ont semblé pure folie. Mais que faire ? Nous étions jeunes et personne n'osa dire quoi que ce soit. Nous avions peur de sa colère et manquions de courage pour désobéir. Pourtant, en voyant mes amis emmener leurs parents en prison, j'ai senti que je serai incapable de faire une chose pareille. J'ai emmené ma mère à l'écart du village et l'ai cachée dans une grotte. Je l'ai rassurée en lui disant : "Je reviendrai chaque soir t'apporter à manger . Ne t’ inquiète pas". Je voulais être forte mais j'avais très peur : que nous arriverait-il si nous étions découvertes ?

Le lendemain, la Reine nous réunit tous sur la place du village et s'adressa ainsi à nous :

" Alors, les vieux sont ils tous en prison?

- Oui, notre Reine bien aimée. ..

- C'est bien. Maintenant je vais vous demander de faire quelque chose pour moi. Je veux un magnifique palais entre ciel et terre. Un vrai palais, magnifique, riche, grandiose ! Construisez-le moi ! Vous avez une semaine, sinon le bourreau vous coupera la tête ! "

 

Nous étions tous horrifiés. Sa folie n'avait donc pas de limites ? Nous ne savions que faire, comment lutter, nous manquions d'expérience...

Comme la Reine s'était éloignée, Moumba prit la parole :

" Nous ne pouvons pas construire un palais entre ciel et terre, c'est impossible!

- Comment allons nous faire ? lui répondit Manna.

- Attention, quand la reine dit quelque chose, elle le fait ! Si nous ne faisons pas ce qu'elle demande, elle va nous tuer !

Hammadi traduisait ainsi notre terreur

- Nous sommes perdus ! s'écria Manna

Ces évènements ne devaient pas me faire oublier ma mère, seule dans sa grotte. Je lui apportai à manger et me décidait à lui parler.

 

" Mère, la reine Yovo après avoir emprisonné tous les vieux s'apprête à exécuter tous les jeunes !

- Qu'elle s'en garde bien ! Une reine qui tue tout ses sujets n'est rien d'autre qu'un gardien de cimetière ! Mais pourquoi ferait-elle cela?

- Elle nous a demandé de lui construire un palais entre ciel et terre. Nous sommes perdus !

- Mais non ma fille ! Approche ton oreille afin que ma bouche y dépose ce que tu diras à la reine Yovo.

 

Bien sûr, c'est ce que je fis sans me faire prier et ma mère déposa, dans mon oreille, ses précieuses paroles.

Lorsque je revins au village, je vis mes amis s'agiter sur la place. Ils faisaient de grands gestes, parlaient fort, prêts à se disputer tant ils étaient énervés et angoissés. Je me suis approchée d'eux et leur ai expliqué ce que ma mère m'avait dit. Lorsque la Reine arriva, toujours précédée des tambours, ils étaient beaucoup plus calmes.

 

Elle nous regarda tour à tour, puis nous interrogea :

"Alors où est mon palais ?

Je me suis avancée et lui ai répété les paroles dictées par ma mère :

- Reine, nous avons tout le matériel et nous sommes prêts à commencer le travail. Mais pour être certains que le palais suspendu soit comme tu le désires, nous te demandons de tracer pour nous, entre ciel et terre, le plan des fondations.

- Vous vous êtes bien moqués de moi ! Pour vous punir, je vous ordonne de revenir demain. Si je vous trouve à l'ombre je vous tue, si je vous trouve au soleil ce sera la même chose ! Soyez-là demain sur la place centrale !"

 

Nous qui pensions que cette ruse mettrait fin à ses exigences... nous étions bien naïfs... Nous avions tellement peur qu'il nous semblait que nos coeurs étaient plus bruyants, plus puissants que les tambours de la Reine. Je ne pouvais faire qu'une chose : aller voir ma mère. Elle ne parut pas inquiète et, de nouveau, me parla à l'oreille :

" Ne t'inquiètes pas ma fille. Ce n'est pas grave ! Voici ce que tu lui diras..."

Le lendemain, la Reine nous réunit à nouveau sur la place. Sur les conseils de ma mère, nous avions tous un tissu sur la tête. La Reine, hautaine comme à son habitude, nous regarda :

" Ha ha ! Vous êtes à l'ombre !

Aussitôt, Moumba lui montra les taches de lumières sur sa peau :

- Mais non grande Reine ! Nous sommes au soleil !

La Reine s'énerva. Bien sûr, elle détestait la contradiction !

- Mais alors, vous êtes au soleil !

Et Manna, lui montrant les taches d'ombre sur sa peau lui répondit :

- Mais non Grande Reine, nous sommes à l'ombre !

La Reine, furieuse, hurla de plus belle :

"- MAIS ALORS, VOUS ÊTES A L'OMBRE !

Hammadi, comme Moumba, lui montra les taches de lumière :

- Mais non grande reine, nous sommes au soleil !

La fureur de la Reine fut à son comble :

- VOUS AVEZ ENCORE OSE ME DEFIER! REVENEZ DEMAIN, C'EST UN ORDRE ! "

Mes amis quittèrent la place du village, un peu moins effrayés que la veille. Le lendemain, lorsque la Reine arriva, il formait un beau groupe prêt à entendre ses nouvelles exigences démentes.

Elle nous regarda tous et déclara :

" Hier, vous m'avez fait affront. Pour vous punir, je vous ordonne de revenir demain. Si vous me regardez, vous mourrez, et si vous baissez les yeux, vous mourrez aussi ! "

 

Décidémment, elle ne se lassait pas d'inventer de nouvelles façons de nous terroriser. Que pouvais-je faire ? Je retournai une nouvelle fois auprès de ma mère. Elle était là, toujours rassurante et prête à m'aider malgré les privations que lui imposait sa vie, désormais bien triste au fond de sa grotte.

 

" Ne sois pas désespérée mon enfant, voilà ce que tu feras... "

A nouveau, elle chuchota, à mon oreille, des paroles qui me redonnèrent espoir.

Lorsque nous nous regroupâmes pour l'écouter le lendemain, nous avions tous les yeux bandés avec du papier crépon.

Stupéfaite, la Reine voulut savoir ce que nous manigancions :

" Mais que faites-vous ?

Kodda lui répondit :

- Ô grande reine, nous ne baissons pas les yeux, grande reine, et nous ne te regardons pas car nous ne pouvons te voir.

Alors, il se passa quelque chose d'extraordinaire. La Reine resta bouche-bée et nous sourit :

- Bravo, vous avez réussi à parer tous mes défis. Vous pouvez enlever vos bandeaux.

Nous étions un peu hésitants car nous avions appris à nous méfier d'elle. Elle nous regarda l'un après l'autre et ajouta :

- Mais vous n’êtes pas assez sages pour réussir ces épreuves seuls. Un de vous a gardé ses parents !

Nous nous sommes tous regardés et j'étais vraiment très très mal à l'aise. Vous comprenez pourquoi bien sûr... La Reine nous dévisagea cherchant la réponse dans nos yeux :

- N’ayez crainte, je promets que je ne ferai de mal à personne et que je délivrerai tous les anciens, car j’ai retenu la leçon : une Reine sans conseillers n’est qu’une aveugle qui va droit au mur.

Je me suis avancée encore craintive malgré ces bonnes paroles :

– C’ est moi qui ai caché ma mère, grande reine !

- Va donc la chercher, j’en fais ma première conseillère !

Lorsque je suis arrivée à la grotte, hors d'haleine, ma mère a cru qu'une catastrophe nous était encore arrivée. Je lui racontais le plus vite possible ce qui s'était passé et l'entraînait avec moi au village.

Sur la place, mes amis l'attendaient et lui firent un triomphe. Ma mère était très émue car peu habituée à de pareilles attentions. Elle regardait humblement autour d'elle et vint s'incliner devant la Reine. Ce fut alors une explosion de joie car, pendant ce temps, Moumba était allé délivrer tous les anciens. Ils étaient fatigués, affaiblis, mais les cris de joie qui leur venaient de la place leur avait rendu leur vigueur et c'est en dansant qu'ils vinrent jusqu'à nous.

 

Et c’est depuis ce jour que les rois et les reines s‘entourent d’un groupe d’anciens.

 

FIN

ECRIT PAR : PASCAUD MANON ET NAIT MOULOUD DALINA



07/03/2014
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