Kiambo ( forme narrative )
L'aventure de Kiambo
Une nuit, dans un petit village du Mali à proximité de la ville de Bandiagara, la lune promenait son œil de nacre dans le ciel voilé. Manzo et Kiambo, deux frères dormaient à la belle étoile. Ils n'avaient pas peur car ils savaient que l'étoile de Kiambo, qui brillait de son éclat particulier, les protégeait.
Pourtant, au milieu de la nuit, Kiambo commença à s'agiter dans son sommeil, à parler puis à crier en pleurant. Il faisait un terrible cauchemar. Son père, Sunjata, lui était apparu, attaché à un rocher d'où sourdaient des flots de sang.
Il se réveilla, effrayé par cette vision.
" Monzo, réveille-toi ! Il faut aller voir notre père. J'ai fait un rêve horrible et j'espère que ce n'est pas un préssentiment. Réveille-toi, Monzo, réveille-toi ! Ne fais pas le paresseux s'il te plaît, ce n'est vraiment pas le moment.
Monzo s'assit, ouvrit les yeux, regarda la nuit puis son frère.
- Ah oui ? Que se passe-t-il ?
- Nous devons absolument aller voir notre père. J'ai fait un cauchemar, il lui est arrivé malheur, j'en ai peur... dépêche-toi Monzo, lève-toi.
Ils marchèrent longtemps, parcourant plaines et montagnes et arrivèrent dans une forêt touffue où ils se perdirent. Finalement, ils trouvèrent refuge dans une grotte mais leur répit fut de courte durée. Cette grotte était habité par un homme inquiétant qui les accueillit en leur disant avec un sourire peu rassurant :
" Bienvenu dans mon antre mes enfants !
- Qui es-tu ? demanda Manzo
- Je m'appelle Timba et je suis voyant. Je peux voir le passé, je peux voir l'avenir et le temps présent m'appartient.
Il les regardait en riant, très content de son effet. Les deux frères avaient envie de fuir mais l'image de leur père, attaché à son rocher, était insupportable et ils voulaient tout essayer pour le sauver.
- Je voudrais que vous nous aidiez à retrouver notre père Sunjata... osa demander Manzo
- Qui cela ? Sunjata ?
Timba les regardait tour à tour. Les enfants ne pouvaient se douter des pensées qui le traversaient et, heureusement sans doute, car cela aurait ajouté à leur frayeur et à leur inquiétude.
- Je vois... je vois de la souffrance, de la douleur et des larmes...
- Est-ce que vous voyez notre père ? Est-ce que vous voyez où il est ?
- Je vois du malheur, je vois les ombres qui rodent...
- S'il vous plaît Grand sorcier Timba, que voyez-vous d'autre ?
- Je vois votre père, il est gravement blessé
- Qu'est-ce qu'il a ? Où est-il ? Il faut nous le dire, nous devons aller le chercher...
Timba se mit à tournoyer sur lui-même puis tomba sur le sol, comme évanoui. Les enfants ne savaient que faire. Ils attendirent. Timba se redressa enfin et se mit à crier :
- Mes pouvoirs me quittent ! Malheur à moi ! Je ne puis plus rien pour vous... Vous êtes ses enfants, c'est à vous de le découvrir... Bonne chance à vous les enfants ! Partez, allez secourir votre père... Allez vite, il vous attend...
Manzo et Kiambo sortirent de la grotte et partirent sur le chemin. Pendant ce temps, Timba laissait libre cours à sa rage.
- Qu'ils aillent retrouver le diable, ces rejetons de malheur. Qu'ils retrouvent leur père dévorés par les hyènes et qu'à leur tour ils disparaissent de la surface de la Terre. Sunjata m'a volé la femme que j'aimais le plus au monde et en naissant, ces enfants ont pris sa vie. Que ma haine les escorte, que la forêt me venge de ce désastre, qu'ils périssent dans la faim et la douleur et je pourrai enfin retrouver un peu de paix...
La forêt semblait de plus en plus sombre et Kiambo et Manzo étaient de plus en plus inquiets.
- Qu'allons-nous faire maintenant Manzo ?
- Nous devons continuez à chercher dans la forêt, tant qu'il nous reste des forces, nous continuerons...
- Mais nous sommes déjà passés devant ce rocher, regarde, il y a même des feuilles froissés où nous nous sommes assis...
- Nous sommes perdus Kiambo, je ne sais vraiment plus quoi faire et je pense à notre pauvre père qui souffre, tout seul, quelque part...
- Oui, tu as raison, nous devons penser à lui et rappelle-toi ce que disait le sage du village : "si vous êtes perdus, suivez l'étoile polaire !"
- Tu as raison... Regarde ! L'étoile est là... Suivons là
Ils marchèrent encore longtemps sur le chemin, il eurent terriblement faim et abominablement soif, leurs jambes furent écorchées par des herbes épineuses, leurs bras et leurs visages furent piqués par des insectes et ils auraient été incapables de dire où ils trouvaient encore l'énergie pour faire un pas puis un autre. Enfin, au détour du chemin, ils aperçurent une grande ombre penché sur un rocher, un coutelas dans une main et, sur le rocher, un homme était attaché. Sans se concerter, Kiambo et Manzo se mirent à courir et à hurler. Timba, surpris, voulut se rejeter en arrière, et les deux frères en profitèrent pour couper les liens qui entravaient leur père.
Ils l'aidèrent à se relever car, à force d'être immobilisé, il était presque paralysé, ses membres étaient tout engourdis et ses poignets et ses chevilles avaient été affreusement meurtris par ses liens.
Ils étaient tout à la joie de leurs retrouvailles quand un vent étrange se mit à souffler. Une lumière verte illumina la forêt et une femme inconnue, d'une beauté extraordinaire, leur apparut. Elle avait de longs cheveux verts, sa peau était fine et douce comme la mousse au pied des arbres, ses yeux étaient d'une belle couleur émeraude comme la forêt dans la lumière de l'après-midi.
"Bonjour mes enfants, je suis Dame Nature, la maîtresse de la vie et de la mort...
Kiamo et Manzo se regardèrent et d'une seule voix se mirent à implorer la dame
- Aidez-nous à soigner notre père ! S'il vous plaît, Dame Nature ! Timba l'a laissé pendant des jours souffrir sur ce rocher, il est très faible, on ne pourra pas parvenir à le ramener chez nous. Ayez pitié de nous Dame Nature !
- Oui, je vois que cet homme est gravement blessé... Je lui permettrai de guérir à une condition.
- Quelle est cette condition Grande Dame ?
- Vous devez me ramener Timba pour que je puisse le délivrer de l'emprise du mal dans lequel il se vautre...
Manzo et Kiambo n'avaient guère envie d'affronter à nouveau Timba mais ils devaient agir très vite et efficacement. Comme ils avaient remarqué que le sorcier craignait le bruit, ils se rappelèrent leurs jeux d'enfants, quand ils s'amusaient à imiter des animaux féroces en soufflant d'une certaine manière dans des feuilles ou des morceaux d'écorce habilement placées devant leur bouche. Ils partirent en direction du chemin où ils avaient vu Timba disparaître, chacun imitant tour à tour la chouette, l'éléphant, la hyène ou le petit cri caractéristique des chauves-souris géantes. Soudain, une voix s'éleva :
" Seigneur de la forêt, aie pitié ! Ne me laisse pas à la merci de tous les animaux qui rodent autour de moi. Que dois-je faire pour t'être agréable ?
Une voix lui répondit :
- Suis le chemin en veillant à ne pas quitter des yeux la cime des arbres. Quand tu seras en présence de Dame Nature, répète-lui ce que tu viens de me dire.
Timba se mit en route, lorsqu'il arriva devant Dame Nature, celle-ci ordonna aux deux frères de le ligoter afin qu'il attende patiemment et sans pouvoir tenter de fuir qu'elle procède au rite qui devait le purifier de son mal.
- Vous avez réussi, je vais donc ramener ce presque mort à la vie. Vie, Déesse au souffle pur ! Redonne à cet homme Sunjata qui a souffert par la faute de Timba, ce sorcier dévoyé, cet homme qui croit qu'une femme lui appartient parce qu'il a levé les yeux sur elle, la force de marcher, la force de parler, la force de sourire ! Éfface ses blessures et le souvenir de ce qu'il a enduré !
Sunjata se releva, regarda autour de lui, l'air un peu égaré. Il avait l'air épuisé mais il sourit de bonheur en voyant ses enfants se précipiter vers lui en criant "Papa, papa !"
Tout à sa joie, Kiambo ne comprit pas immédiatement pourquoi Manzo le poussait du coude en lui désignant Dame Nature d'un mouvement du menton. Il se mit à l'observer et se rendit compte que ses yeux brillaient étrangement. Ce n'était plus le bel émeraude de la forêt, mais le vert triste et sombre d'un lac de montagne.
Il osa s'approcher :
"Dame Nature, nous ne savons comment vous remercier de votre bonté !
-Ce n'est rien les enfants, vous avez été très forts, vous avez souffert vous aussi mais vous ne vous êtes pas découragés et vous avez ainsi montré à votre père combien vous l'aimiez. Je règne sur la vie et la mort mais personne ne me montre autant d'affection, je me sens si seule... Alors, si vous voulez me remercier de ce que j'ai fait pour vous, venez me voir de temps en temps avec un bon repas cuisiné dans votre maison... vous savez, manger des feuilles est un peu lassant ! Nous le partagerons tous ensemble et ainsi j'aurai
l'impression d'avoir, moi aussi, une famille !"
Fin
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